Dans le cadre de ma résidence “Littérature | Science | Technologies” avec l’association Dans Tous Les Sens de Vaulx-en-Velin, un partenariat a été noué avec l’ENTPE (École Nationale des Travaux Publics de l’État) – Voie d’approfondissement APU (Aménagement et politiques urbaines), et plus particulièrement au sein du cours Le Dessous Des Cartes, animé par François Duchêne et Léa Marchand.
Il s’est agi, pour un groupe d’étudiants et d’étudiantes ingénieurs accompagné par Léa Marchand, d’enquêter poétiquement le territoire, de partir à la rencontre des institutions et des habitants, pour dresser une carte sensible de Vaulx-en-Velin. Que pensent, que ressentent ceux qui vivent la ville, habitants, professionnels ? Quelles impressions ? Quels ressentis ? Que dire du passé intime, du présent et du futur de Vaulx, ville aux multiples quartiers et aux multiples visages ?
Après que j’ai animé pour eux des ateliers d’écriture poétique leur permettant de découvrir et de s’approprier la poésie comme outil d’enquête, comme outil de retranscription du réel, les étudiants sont partis interroger ceux qui vivent et font la ville de Vaulx dans ses différents quartiers : habitants, responsables de services municipaux, urbanistes, professionnels du soin ou de l’enseignement… De ces témoignages précieux, qui ont su leur faire (re)découvrir autrement un territoire riche et unique, et les ont poussé à réfléchir sur l’objet “ville”, les étudiants ont tiré un grand nombre de poèmes, haïkus ou poèmes courts, qui ont pu servir, non seulement à l’élaboration d’une carte sensible de Vaulx-en-Velin, qui faisait l’objet de ce cours, mais également ont donné naissance à un plus vaste recueil de poème, “Les tours ne sont pas si hautes”, en accompagnement littéraire de cette carte pop-up. En voici quelques extraits.
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Elle arrive pour la première fois,
Les tours ne sont pas si hautes.
Ouf, ce n’est pas Créteil
—
Il dit que ce mélange de population,
Nous communique
Les échos du monde.
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Elle observe dans le bus,
Elle observe la diversité.
Elle joue
À deviner les origines.
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Il dit qu’il est un caméléon,
Il dit qu’il est un peu un Tarzan,
Parfait pour la vie à Vaulx.
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Comme c’est agréable
Ce beau mélange de langues,
Il faut accepter.
—
Ville, habitudes, histoires,
École, traditions, images.
Chacun bute sur ses réalités.
—
—
Quand on lui demande s’il a un endroit qu’il apprécie,
Il dit qu’il est bien à la maison,
Qu’il ne va pas spécialement dehors,
Qu’il faudrait plutôt aller interroger des jeunes.
Quand on lui demande si quelque chose l’a marqué,
Il dit que tout est devenu banal.
La bagarre
Que les armes n’interpellent plus,
Qu’on s’y habitue.
Mais quand on lui demande s’il a un endroit qu’il apprécie,
Il dit qu’il préfère Vaulx.
Qu’à Lyon on ne sourit pas,
Convivial.
Il dit qu’on n’est pas stigmatisé,
Pas pointé du doigt parce que sa foi se voit de l’extérieur.
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Une cité calme
Troublée par des cris aigus,
Des gamins qui jouent au foot.
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Des balançoires en bas de la rue,
Ma petite fille qui vient jouer,
Un rayon de soleil dans ma journée.
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L’humour comme un pont
Facile et accessible,
Entre nous.
—
—
Même jeunes ils ont des souvenirs ici
Avec leur famille et leurs amis,
Mais la nuit leur fait peur.
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La jeune génération investit la ville,
La mémoire des émeutes
S’évapore.
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Il dit qu’il aime bien le parc de Miribel,
Que la ville est triste,
Grise,
Que les immeubles sont vétustes,
Gris.
Il dit qu’il ne voit pas la ville bouger plus que ça,
Que certains pôles seront retapés,
Que ça fera encore plus de béton
Gris,
Que ce qu’il manque à la ville,
Ce sont des espaces
Verts.
—
—
Canal de Jonage, promenade Lénine,
Chemin bleu, chemin vert,
Deux corridors à préserver.
—
Je lui demande ce qu’il aime à Vaulx,
Il me répond : La place Bellecour.
Les frontières sont floues.
—
Loin de Croix-Rousse,
De ses quartiers aisés,
Elle se sent essentielle
Dans l’école de ceux qui en ont vraiment besoin.
—
Ceux-ci brûlent
Pour se faire entendre.
Ceux-là n’écoutent pas
Car ils se sentent agressés.
Face au mur !
—
—
Une chaise de camping,
Un jeune,
Son pote,
Ou son frère,
On ne sait pas.
Aucune importance,
Tous dans la même galère.
—
Il évite les quartiers à problèmes,
La délinquance le rend blême,
Devenu agressif pour survivre.
—
Aller à l’école
Ou dealer
Pour remplir le frigo,
Le choix est vite fait.
—
Traversée matinale
D’une place jonchée d’épaves,
Toutes les nuits sont compliquées ici.
—
Ici depuis 25 ans
Le quartier a changé
Mais c’est toujours chez moi.
—
Ça changera jamais !
On te raconte
Mais bon
Ça changera jamais !
—
Elle dit qu’on leur a vendu une ville nouvelle,
Elle dit qu’on leur a vendu une vie nouvelle,
Elle dit qu’on leur a vendu du rêve.
—
Elle dit que c’est sa ville,
Elle dit que sa ville change,
Elle est inquiète…
—
Elle dit oui
Elle hoche la tête
Elle redit oui
Elle dit subitement non
Elle dit qu’elle ne sait pas
Elle a l’air perdue
Elle se reprend
Elle dit qu’elle aime le parc Miribel
Elle dit qu’elle l’aimait
Elle dit que maintenant il y a trop de monde
C’était mieux avant.
—
Il dit que dans 20 ans on verra bien
Il dit qu’il faudra préserver les îlots verts
Il dit qu’il faudra construire des habitats verts
Des habitats verts dans le sens humain du terme
Il dit qu’il faut rendre à l’habitat le rôle de l’habitat
Et cesser l’architecture du mépris.
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Il dit que ce sont les gens qui font les changements,
Que quelques mois suffisent à les voir.
Adepte de la force du battement d’aile du papillon.
—
Elle dit qu’elle a connu les fausses concertations,
Celles où on entend sans écouter,
Les changements ce sont pourtant des gens.
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Il dit qu’il est Azerbaïdjanais
Il dit qu’il cherche une régularisation
Depuis déjà 5 ans
Il dit que le seul moyen d’y parvenir
C’est de trouver une association
Qui l’accueillera bras ouverts
Mais il dit que tout est trop loin
Et que sa promesse d’embauche s’enfuit elle aussi.
—
—
Pour elle, un HLM c’est une famille,
Pour elle, ces familles sont délaissées,
Ne pas oublier que Favelas, c’est le nom du quartier.
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Éduquer des enfants
Qui vivent dehors d’autres réalités –
Combat quotidien d’égalité.
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Elle parle de l’espace urbain,
Elle parle des quartiers et des tours,
Elle voudrait y voir plus de jeunes filles.
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© photos : Étudiants ENTPE & Nell Filieul DTLS
Tags : Ateliers d'écriture, cartographie, Dans tous les sens, ENTPE, François Duchêne, Léa Marchand, Vaulx-en-Velin